Armée de mon stylo plume et de mon classeur, je notais, écrivais ce que le prof de journalisme disait. Déblatérant parfois des orgies sans noms lorsqu'il partait un peu plus sur le terrain. Je m'amusais de ces dires. Non surprises de voir la plupart des autres élèves parler entre eux, ne rien écrire et se laisser aller pendant le cours. Moi... Je me contentais de me libérer dans ce que j'écrivais, déviant quelque peu des paroles de notre professeur, à force, je vins à penser à ma situation, à ma famille et à ce qu'il pouvait bien me rester de bien. A vrai dire, c'était exactement ces études là qui me tenaient debout. Ce besoin de m'épanouir quelque part : dans mon rêve. Oui, j'avais passé mon dernier cours de la journée à suivre les directives de notre cher professeur, à l'écouter parler de journalisme. Et en sortant de ce cours, c'était la nouvelle certitude de passer une journée comme les autres. Sans réel intérêt. Parfois, il m'arrivait de me demander si la solution de mon ami n'était pas la bonne : partir et dire Merde à nos parents. Merde à leurs choix et tenter de mener une nouvelle vie. Mais à mon plus grand désarroi, la vérité était que je n'étais pas aussi forte que Jules. Et que je restais donc là, à attendre et continuer à vivre avec cette même routine que j'avais crée. Je rentrais chez moi lorsque je me sentis quelque peu suivie dans une ruelle étroite. Passage que je fréquentais souvent pour rentrer chez moi, aujourd'hui, c'est avec la boule au ventre que j'avais accéléré l'allure. Ce sentiment derrière mon dos d'être observé, suivie. J'avais fini par courir afin de retrouver la rue remplie de monde. Soulagement. Puis de nouveau je sentis ce regard dans mon dos. Et cette fois là, c'est en me mêlant plus aux gens, que j'avais finalement ouvert la porte du Chernyy Kofe. Endroit que je fréquentais que très peu au vu des quelques ivrognes que je pouvais déjà remarquer à cette heure là de la journée. M'attablant à une table reculée des fenêtres, je guettais, espérant que mon rythme cardiaque retrouverait le cours de ses battements. Commandant un chocolat chaud, j'essayais de me remémorer ce qu'il venait de m'arriver. En vain.

Je fais des balades régulières dans Moscou. A pieds. Je regarde, vois vivre les moscovites. Ce n'est pas franchement intéressant, non. Je me devais cependant de connaitre la ville, d'en connaitre les habitudes de ses habitants. D'avoir des yeux partout quoi. Sait-on jamais. Je n'avais pas de boulot aujourd'hui ou plutôt devrais-je dire pas encore. Ça n'allait pas tarder, un coup de fil et je serai déjà loin, à mille lieux de faire du tourisme dans Moscou. Un cave, un hangar, de l'argent... Surtout de l'argent à vrai dire, peu importe l'endroit. Il n'y a pas grand chose de plus motivant dans la vie que ça : la fortune. Une ambition de gamin, quelque chose de concret aujourd'hui. J'avais été destiné à trimer toute ma vie comme mon défunt père et je me retrouvais à Moscou, la ville prête à se jeter à mes pieds pour qu'on ne lui fasse rien. Loin des miens, certes. Ma mère et mes frères comprennent, ils ne savent pas exactement ce que je fais pour pouvoir leur envoyer tout cet argent mais ils savent que je le fais pour eux. La prison, les années de vol, la mafia maintenant. C'est pour eux, pour sortir les Sergueïev de la misère. Pensées nostalgiques, j'aperçois au loin une blonde de ma connaissance. Sacha. Elle est visiblement inquiète, je ne tarde pas à la suivre. Le Chernyy Kofe. Je n'aime pas vraiment me mélanger d'habitude... J'imagine que je peux faire un effort cette fois. J'entre, vais la retrouver. « Tout va bien? » dis-je sans même m'être assis, allant toujours droit au but.

Le temps que mon chocolat n'arrive, j'avais eu le temps de me faire tout les films possibles et inimaginables. Sûrement que j'exagérais je l'avoue, mais je ne pouvais pas avoir imaginé ça quand même ? Le poids d'un regard de si longues minutes consécutives, même lorsque je m'étais mise à courir dans cette ruelle comme une dératée pour rejoindre la foule. Je l'avais réellement ressenti au plus profond de moi... Mais pourquoi me suivrait-on ? Je ne faisais strictement rien de mal dans ma vie, je n'avais pas d'ex psychopathe, je n'avais aucun rapport -on allait le dire ainsi hein- avec la mafia de la ville ou je ne sais quoi... Donc pourquoi cette peur me tenaillait-elle autant ? Devais-je penser à autre chose ? Un raclement de gorge me fit revenir à la réalité tandis que le serveur attendait que je pousse mes deux bras posés sur la table, ma tête dessus pour poser ma commande. « Excusez-moi.. » Lui dis-je, une mou désolée sur le visage tandis que je sucrais un peu plus ce chocolat déjà sucré. Les calories, j'en faisais mon affaire. Puis le chocolat était une drogue pour moi, drogue que je ne pouvais m’empêcher de commander quand ça allait pas. Négatif j'avais besoin de ce chocolat. Appelez ça comme vous voulez : débilités, lubies, c'était vitale pour mon cerveau. Cerveau qui encore une fois ne pigea rien lorsque j'entendis face à moi une voix que je ne connaissais que trop bien. Levant la tête vers Vitaly, cet homme que j'appréciais que trop bien pour sa présence rassurante. Si j'avais pu avoir un frère... Je l'aurais choisi lui sans souci. Malheureusement la loterie familiale n'en avait pas décidé ainsi mais pour sur qu'il connaissait ce sentiment que j'avais vis à vis de lui. « Assieds toi Vitaly s'il-te-plait. » L'invitais-je, rassurée de le voir ici. « J'ai l'impression que l'on me suit Vitaly... » Lui lâchais-je comme ça, espérant qu'il ne me prendrait pas pour une folle. Quoique je venais moi-même à en douter..

Il n'a rien que je ne puisse faire quand j'apprécie quelqu'un. Sacha faisait parti de ce groupe restreint de personnes pour qui je ferai tout, le pire comme le meilleur. Le pire surtout. Elle avait l'air inquiète, assez pour que je juge utile de venir la rejoindre. Si elle avait un problème, je trouverais une solution. Je suis devant elle, Sacha met un certain temps avant de me repérer. Elle me propose de m'assoir, je m'exécute, impatient de savoir ce qu'il cloche. Elle a l'air un peu perdue, ne tarde pas à m'informer de son problème. Suivie? Je fronce les sourcils, jette un regard autour de moi. Ça ne me plaisait pas. Je prenais la chose très au sérieux, je sais mieux que personne qu'on est jamais à l'abri. « Depuis quand? »

Spoiler:

Vitaly... Ici... Quel soulagement c'était de le voir face à moi. Inquiet ? Oui c'était certain. Je m'en voulus subitement de l'avoir inquiété avec mes histoires. Il me croyait, c'était certain. Pourquoi ? Toute personne saine d'esprit aurait demandé « T'es sur ? Tu n'as rien inventé ? » Bref, toute personne aurait cru que je me faisais des films. Mais lui... Lui me croyait. Et pour cela je savais que j'avais bien fait de lui parler. J'étais soulagée qu'il me croit, mais sa question me chamboula. Depuis quand... Avant. Mais pourquoi cela s'était-il produit ? J'avais toujours autant la frousse, et si en sortant d'ici je sentais de nouveau ce regard insistant sur moi ? Étais-je prête à rentrer jusqu'à chez moi en faisant un bon sprint ? Non, je ne le pouvais pas. Et je me mis également à jeter un regard autour de nous. Était-il parmi nous ? Je bus une gorgée de ma boisson pour me détendre. Certains prenaient des cochonneries pour se rassurer, se réconforter, moi c'était le chocolat. Et je décidais de répondre à mon grand ami. « Là à l'instant... J'ai pris mon chemin habituel. Puis là j'me suis sentie observée... Tout du long tu vois... J'ai eu peur... Vitaly je déraille ou quoi ? » Et de une crise d'angoisse à la simple pensée de ce moment. Petite fille moi ? J'aimais ma petite vie tranquille surtout. Etant fille de riche, peut-être que j'étais connu par les photographes. Mais jamais je n'avais vécu ça jusqu'alors. Cette peur de l'inconnu. Les raisons de tout cela. Oui, c'était bizarre, totalement flippant aussi. Je repris une gorgée de mon chocolat. Chocolat chocolat, bonheur bonheur. Encore, encore. Je ne sais pas ce que pouvait bien penser ce grand homme face à moi, aussi blond que je l'étais et avec les mêmes yeux que moi, pourquoi n'était-il pas né dans ma famille. Pourquoi n'avais-je pas quelqu’un d'aussi génial à mes côtés quand ça n'allait pas. « Pourquoi... » Je n'avais pu m’empêcher de le dire à haute voix. Perdue dans mes pensées intimes et mes questions existentielles. Pourquoi passait si souvent dans mon cerveau de blonde que Pourquoi pas était un mot que je bannissais de mes réponses possibles.

J'ai toujours été rigoureux. Ça ne m'a jamais fait défaut d'ailleurs, ça a toujours été bénéfique pour moi. Et les autres, ceux qui m'entourent. Il y en a peu des gens pour lesquels je suis capable de me dévouer. Mes proches ont de la chance de m'avoir si j'ose dire. C'est simple, je préférerais mourir plutôt que de laisser arriver quelque chose à ceux que j'aime. Alors, quand Sacha me dit qu'elle pense être suivie, je m'anime. Je suis prêt à tuer, à tabasser s'il le faut. Personne n'a le droit de faire ça. Les sens en éveil, je regarde partout avec méfiance. S'il est là, si je le vois, je ne manquerais pas de lui faire comprendre qu'il devrait adopter une autre attitude. Au moins envers Sacha. On peut faire ce qu'on veut à qui on veut tant qu'on ne touche pas aux miens, je laisserais faire. Je ne suis pas du genre grand justicier, je me fous de la paix dans le monde. D'ailleurs on peut pas dire que j'y contribue vraiment de part mon métier. Je fais régner la terreur et le crime sur Moscou. Rien que ça. « Mais non. Je suis là, ça va aller. » C'est une promesse. Rien ne lui arrivera parce que je m'en fais un devoir. Je la couve alors d'un regard protecteur, cherche à la rassurer du mieux que je peux. J'ai jamais vraiment été doué pour ce genre de choses, ça doit pas être très efficace. Sacha a l'air un peu perdue dans ses pensées, finit par demander pourquoi. Je comprends pas. Pourquoi quoi? « De quoi tu parles? »